ANTOINETTE DANS LES CÉVENNES

 

Comédie/Romance/Une très sympathique comédie, une belle façon de prolonger l'été

Réalisé par Caroline Vignal
Avec Laure CalamyBenjamin Lavernhe, Olivia Côte, Denis Mpunga... 

Long-métrage Français
Durée : 01h35mn
Année de production : 2020
Distributeur : Diaphana Distribution

Date de sortie sur nos écrans : 16 septembre 2020

Le film fait partie de la Sélection Officielle Cannes 2020


Résumé : des mois qu’Antoinette attend l’été et la promesse d’une semaine en amoureux avec son amant, Vladimir. Alors quand celui-ci annule leurs vacances pour partir marcher dans les Cévennes avec sa femme et sa fille, Antoinette ne réfléchit pas longtemps : elle part sur ses traces ! Mais à son arrivée, point de Vladimir - seulement Patrick, un âne récalcitrant qui va l'accompagner dans son singulier périple…

Bande-annonce (VF)


Ce que j'en ai pensé : la réalisatrice Caroline Vignal nous fait parcourir les chemins de traverse en compagnie d'Antoinette, une femme qui se cherche et d'un accompagnant inattendu puisqu'il s'agit d'un âne ! Le film fait de nombreuses références au livre 'Voyage avec un âne dans les Cévennes' de Robert Louis Stevenson. Le scénario, écrit par Caroline Vignal, fait des parallèles entre les raisons du déplacement du sieur Stevenson et celles qui poussent Antoinette à partir marcher. 

Caroline Vignal, la réalisatrice du film ANTOINETTE DANS LES CÉVENNES

La réalisatrice réussit à poser son propos tout en l'enveloppant de l'ambiance propres aux randonnées sur fond de très jolies images de paysages. Il en ressort une ambiance de vacances reposante et sympathique où tout devient possible, où les habituels tracas du quotidien se transforment en épreuves formatrices et dont on ressort plus mûrs, comme si le contact de la nature nous faisait grandir. Il y a donc un véritable aspect de récit initiatique dans ce long-métrage. 



Les mauvais choix du personnage principal sont dénoncés et cela donne d'ailleurs lieu à des scènes pas piquées des hannetons qui s'opposent à l'atmosphère ludique du contexte et à la lumineuse personnalité d'Antoinette.

Cette dernière est interprétée par Laure Calamy, qui impressionne par son naturel et son charme, dans ce premier rôle qui n'est pourtant pas évident puisqu'on peut difficilement trouver que les choix amoureux de sa protagoniste sont les bons. Mais l'actrice rend ce personnage attachant malgré tout et on a un vrai plaisir à la suivre dans ses parcours extérieur et intérieur chaotiques. 


Elle joue aux côtés d'un âne prénommé Patrick qui sait exprimer un certain nombre d'accords et de désaccords sur la vie d'Antoinette. 



Face à elle, il y a aussi Benjamin Lavernhe qui interprète à merveille, Vladimir, un homme falot, mais dont le charme discret permet de comprendre l'attirance qu'il peut provoquer. 


Les autres personnages secondaires sont très bons, que ce soit le doux Idriss, interprété par Denis Mpunga ou encore, la directe femme de Vladimir, interprétée par Olivia Côte. 

Copyright photos ©Julien_Panié_CHAPKA FILMS _ LA FILMERIE_FRANCE 3 CINEMA

Les occasions de sourire sont nombreuses, on rit même parfois et sinon on se laisse porter par les émotions enflammées ou encore la douceur de vivre qui s'accentue au son de la musique de Mateï Bratescot.

ANTOINETTE DANS LES CÉVENNES est une comédie légère, touchante et bien agréable qui fait le même effet que la dégustation d'une bonne boisson fraîche un jour de canicule. Ce film est une belle façon de prolonger les vacances.

NOTES DE PRODUCTION
(À ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

ENTRETIEN AVEC CAROLINE VIGNAL

Votre précédent long-métrage,  LES AUTRE FILLES, est sorti en 2000… Qu’est-ce qui vous a fait remonter en selle deux décennies plus tard ? 

C’est vrai que vingt années ont passé, presque jour pour jour, entre ces deux réalisations. Je n’ai jamais cessé d’écrire, des scénarii, des textes pour la radio, mais je ne voulais plus réaliser. Chat échaudé… Pourtant, une part de moi criait famine, et j’ai fini par être rattrapée par la réalité du temps qui passe !  Et par me dire que si je voulais « y retourner », c’était maintenant ou jamais… Il y a quelques années, je me suis enfin sentie prête à reprendre le risque, car oui, pour moi, réaliser un film est un risque - celui de me décevoir peut-être ! Car on doit tout assumer, alors qu’en tant que scénariste, on est un peu planqué. 

Tout est parti de mon désir de filmer les Cévennes, où, en 2010, j’avais passé une semaine à marcher en famille. Énorme coup de cœur pour ces paysages, pour cette région sauvage, très peu peuplée, et pour les personnes - des néo-ruraux pour la plupart - que nous y avions rencontrés. De cette brève randonnée (ma fille, qui avait alors six ans, était du voyage) avec un âne, je garde un souvenir idyllique. Je suis originaire du Midi ; petite, j’ai passé toutes mes vacances dans l’Hérault et le Gard.  Je crois que j’ai retrouvé dans les Cévennes quelque chose du midi de mon enfance. On est retournés marcher l’année suivante. Cette fois-ci, l’âne qui nous accompagnait s’appelait Patrick. Ce détail cocasse, qui me faisait beaucoup rire, a semé l’idée d’une comédie qui aurait un âne pour personnage principal.

On sent votre volonté d’épouser une trajectoire sensorielle…

Dans mon travail de scénariste, le récit était moteur et se suffisait presque à lui-même. Mais quand j’ai commencé à écrire ANTOINETTE DANS LES CÉVENNES, c’est mon désir de réaliser à nouveau qui primait. Il ne s’agissait plus seulement de raconter une histoire mais aussi et surtout de filmer des lieux, des lumières, des ambiances. Je voulais filmer l’été, filmer ces paysages, cette nature, ces ciels… Entre le voyage avec l’âne Patrick et le début de l’écriture du film, quelques années ont passé. Le déclic s’est fait à la lecture de  VOYAGE AVEC UN ÂNE DANS LES CÉVENNES,  récit de voyage de Robert-Louis Stevenson qui a inspiré nombre de randonneurs qui marchent désormais sur ses traces du Monastiers-sur-Gazeille à SaintJean-du-Gard. Stevenson marche avec une ânesse, Modestine, avec laquelle il vit presque une romance, construite selon le schéma de la comédie romantique - genre qui n’existait pourtant pas à l’époque. Au début, ça ne colle pas du tout entre eux - et c’est un euphémisme ! Mais peu à peu ils s’apprivoisent, et quand finalement ils doivent se séparer, c’est un déchirement ! C’est en lisant le livre de Stevenson qu’est né  ANTOINETTE DANS LES CÉVENNES. J’ai juste inversé les genres : plutôt qu’un randonneur et une ânesse, une randonneuse et un âne ! C’était le retour de ce cher Patrick. 

Qu’est-ce qui a nourri l’écriture du scénario ?

Sans verser dans l’autobiographie (non, je n’ai pas poursuivi un amant sur le GR70) j’écris toujours à partir de moi. J’ai besoin de m’identifier à mes personnages pour les comprendre, pour les écrire. Ici, je m’identifie aussi bien à Antoinette qu’à la plupart des personnages qui l’entourent. Le réel m’inspire beaucoup aussi, surtout dans ce qu’il a de comique ! Au tout début de l’écriture du scénario, j’ai entrepris de faire la fameuse randonnée de Stevenson, dite « Chemin de Stevenson » : plus de 220 kilomètres en une douzaine de jours. Comme Antoinette, tous les soirs, j’ai partagé mon repas avec d’autres randonneurs et des hôtes qui, sans le savoir, ont beaucoup inspiré les personnages secondaires du film - le marathonien qui voyage avec un équipement ultra minimaliste, le type qui gueule « Allez ! » pour faire avancer l’âne d’Antoinette (qui ne lui a rien demandé), le couple d’hôtes qui fait rêver tellement ils ont l’air de s’aimer, la rebouteuse à cheval, les motards… Je les ai tous rencontrés en vrai !

Êtes-vous cliente des récits initiatiques, qu’ils soient littéraires ou cinématographiques ? Revendiquez-vous certaines influences ?

Le film qui m’a donné envie de faire du cinéma, c’est LE RAYON VERT  d’Éric Rohmer. Je l’ai découvert à 16 ans, le jour de sa sortie en salle, sans rien savoir de Rohmer - j’avais vu la bande annonce, ça m’avait donné envie ! On peut considérer que le film est initiatique, avec ce personnage de fille qui se retrouve à devoir affronter sa solitude en pleines vacances d’été. Je suis très heureuse que Marie Rivière, la Delphine du RAYON VERT, joue dans mon film. Elle y incarne Claire, la bonne fée d’Antoinette, qui l’encourage quand tout le monde est si féroce avec elle. J’étais très émue qu’elle soit là, comme  une sorte de marraine  pour mon personnage - et pour mon film ! Mais au-delà des récits initiatiques, je me suis surtout inspirée des schémas de buddy movies ou de comédies romantiques pour écrire ANTOINETTE DANS LES CÉVENNES.  Ce n’est pas mon genre préféré, mais ça m’a beaucoup amusé d’écrire une comédie romantique entre une fille et un âne. 

Comment se sont précisés, dans votre esprit, les traits et les caractéristiques de l’héroïne ? Qui est-elle ?

J’ai beaucoup de mal à répondre à cette question. Je ne réfléchis pas comme ça en amont. Mais je peux dire, a posteriori, comment je la vois. Ce qui m’intéressait beaucoup - et on s’est vraiment rejoint avec Laure Calamy à ce propos, c’était d’explorer ce truc un peu pathétique chez elle - chez nous, j’ai envie de dire, nous, les amoureuses, celles qui préfèreront toujours le mec qui ne veut pas d’elle à celui qui a toutes les qualités du monde. Le film aurait pu s’intituler  PAUVRE MEUF ! Laure est pleine d’auto-dérision. J’avais envie d’un personnage féminin qui soit un peu ridicule et largué, et qui, dans le même temps, nous touche, nous embarque par sa détermination et, finalement, son courage… Dans la vie, Antoinette est « professeur des écoles », comme on dit désormais. J’aime bien l’idée qu’elle ait un métier à responsabilité, où elle doit gérer des enfants - elle a l’air de le faire très bien, même si elle leur apprend de drôles de chansons !  Elle n’est pas complètement à la ramasse…

C’est une héroïne qui s’arrête rarement. Le film nous dit quelque part que le mouvement est une survie ou, mieux, l’occasion de renaître. Le pensez-vous aussi ?

Oui… Je le pense vraiment. Mes parents m’ont transmis le goût de la marche. C’est devenu intimement important pour moi. La marche nous permet de faire l’expérience de la liberté et de la nature. Elle nous apaise, elle nous grandit. Marcher ne coûte rien, on peut le faire à tout âge. Parcourir des centaines de kilomètres en marchant est une expérience que tout le monde devrait faire. C’est aussi cela que le film essaie de donner à voir et à ressentir.

Laure Calamy était-elle votre choix premier pour camper l’héroïne ? Qu’est-ce qui vous interpelle chez elle ?

Absolument, son nom s’est imposé à moi très tôt. Je l’adorais dans la série  DIX POUR CENT, et pour l’avoir vue dans  UN MONDE SANS FEMMES, dans AVA, je savais que à quel point son registre était étendu. Elle est incroyablement drôle - et émouvante ! Et puis elle a un truc vraiment populaire, pas si répandu chez les acteurs français, qui me touche. Il y a eu une rencontre forte entre le projet et elle pour des raisons qui lui sont personnelles. Elle s’y est complètement reconnue. J’étais très heureuse de lui offrir son premier rôle. Sur mon premier film, il y avait très peu d’acteurs professionnels, tous les rôles principaux étaient interprétés par des adolescentes jouant pour la première fois. Non seulement je n’avais pas tourné depuis vingt ans, mais c’était quasiment la première fois que je travaillais avec des comédiens professionnels ! Je n’en menais pas large, mais je suis on ne peut mieux tombée. Mon goût a évolué en vingt ans, je me suis un peu libérée de mes années de cinéphilie pure et dure… À part LE RAYON VERT, une autre référence pour ce film était LA REVANCHE D’UNE BLONDE - j’adore le personnage qu’y campe Reese Whiterspoon, et son jeu à la fois hyper juste, hyper sincère, et très légèrement outrancier. J’ai trouvé ça chez Laure : elle ose, elle invente, elle n’a pas peur, de rien ! C’était un défi de jouer avec un âne, il fallait une grande capacité d’adaptation, et, pour y croire, une sacrée part d’enfance - Laure, c’est une gosse, une sale gosse même ! Le plaisir qu’elle prend à jouer est communicatif.

Son plus grand défi était justement de jouer face à un âne. Comment l’avez-vous dirigée dans cet exercice périlleux ?

La vraie gageure, c’était que le spectateur considère l’âne comme un personnage. Il fallait qu’on y croit, qu’on croit qu’il écoute Antoinette, qu’il la juge parfois, qu’il la comprend, qu’il la soutient… Il fallait qu’on ait envie de le regarder presque autant que les humains du film.  Laure adore les ânes. Elle était ravie d’en avoir un comme partenaire à l’écran ! Pour le reste, tout était entre les mains de la dresseuse, Emilie Michelon, avec laquelle nous avons travaillé. C’était son premier tournage, elle vient du spectacle vivant, s’est formée chez Bartabas. Pour jouer Patrick, nous avions deux ânes, l’un très vif, très technique, qui faisait toutes les cascades ; l’autre beaucoup plus lent, plus expressif, très Actor’s Studio, qui avait en charge les scènes d’émotion. Pour qu’on les confonde, on en a mis un au régime maigre, l’autre au régime gras, et ils sont passés chez le coloriste ! Je vous mets au défi de les distinguer, même la monteuse, après des mois le nez sur les rushes, n’y parvenait pas. 

Plus largement, comment avez-vous appréhendé puis travaillé les séquences avec l’âne ?

Les angoisses que j’ai eues pendant le tournage étaient surtout liées à la météo, dont nous étions très dépendants - on était presque tout le temps dehors. Les scènes avec l’âne se sont déroulées sans réels problèmes - il nous a même fait des cadeaux inattendus, se mettant à braire alors que le scénario ne l’avait pas prévu par exemple ! Certes, pour les comédiens, ce n’était pas toujours simple de jouer tout en drivant l’âne, qui devait avancer ni trop vite ni trop lentement, s’arrêter à tel ou tel moment, le tout avec un steady-camer, une perche et toute une équipe sous le nez. Laure était très à l’aise, c’était parfois plus difficile pour les acteurs qui étaient de passage sur le tournage. Mais j’ai obtenu tout ce que j’avais imaginé.

Parlez-nous de votre choix d’engager Benjamin Lavernhe, dans le rôle de l’amant d’Antoinette…

J’avais vu Benjamin au théâtre, entre autres dans  SCAPIN  à la Comédie Française. Le personnage de Vladimir pourrait être assez désagréable - il trompe sa femme, il abandonne sa maîtresse, il est lâche ! Benjamin Lavernhe n’a d’ailleurs pas eu peur de jouer la lâcheté de son personnage. Mais je ne voulais pas qu’on le déteste ou qu’on le méprise, qu’on se demande pourquoi Antoinette s’était entichée de lui au point de se lancer sur ses traces en compagnie d’un âne  ! On ne sait pas grand-chose de lui, mais je crois que, grâce à Benjamin, on le comprend. On imagine que ça ne va pas fort avec sa femme… Il est un peu perdu… J’aime le côté « normal » de Benjamin. Et c’est un acteur génialissime, doté d’un sens du tempo, de la comédie impressionnants. 

Quelles étaient, d’un point de vue plus global, vos intentions de mise en scène ?

Il y avait plusieurs défis dans ce projet et l’un des principaux était de filmer quelqu’un qui marche. Marcher, c’est lent, c’est répétitif, ce n’est pas très spectaculaire ; ça peut vite être monotone. Mais je voulais qu’on ressente le rythme de la marche ; il ne fallait pas boycotter la lenteur par peur d’ennuyer. J’ai beaucoup travaillé en amont sur le découpage avec le chefopérateur du film, Simon Beaufils. Le cinéma que j’aime n’est pas un cinéma à effets - c’est un cinéma humble, qui tente d’accompagner au mieux le récit. Je voulais nous offrir la possibilité que le film nous emmène avec Antoinette dans le paysage, dans sa beauté, sans sombrer dans l’écueil de la carte postale - pas question de drones, par exemple… Nous avons opté pour un maximum de plans fixes et de panoramiques. Lorsque les personnages parlent en marchant, j’avais envie de plans séquences ; les travellings-arrières au steady-cam étaient un petit défi à la fois pour la technique et pour le jeu. Simon a poussé pour tourner en scope (ma tendance naturelle, Rohmer un jour, Rohmer toujours, allait davantage vers le 1/66) pour donner plus d’ampleur et de lyrisme à l’histoire d’Antoinette et de Patrick : je lui en sais gré.

Comment avez-vous travaillé sur la photo ?

C’est l’été et les Cévennes, c’est le sud. Je voulais qu’on s’y croie vraiment, je voulais moi, m’y croire : retrouver la lumière, les sensations des étés de mon enfance, la chaleur, les insectes, la minéralité. Le son participe aussi de cette atmosphère. On a eu de la chance, il a fait beau. On a tourné en juin-juillet, quand il y a encore des fleurs mais que la nature commence à être un peu cramée. 

Revenons sur les Cévennes, qui sont un personnage du film à part entière. Que vouliez-vous véhiculer à travers ses paysages ?

Cette région offre des grands espaces, souvent non cultivés, comme on en voit peu en France. On a cette sensation qu’on peut marcher des heures sans  croiser personne. On voit loin. Ces cieux, ces paysages donnent une impression d’immensité. On pense bien sûr aux westerns, aux grands films d’aventure ; peu de régions en France offrent cela… Cette beauté aride, sauvage, nous lave les yeux, et elle guérit Antoinette : en la traversant, elle apprend qu’elle peut compter sur elle-même, et se libère de tout ce dont elle croyait dépendre…

ENTRETIEN AVEC LAURE CALAMY

Quel a été votre sentiment en refermant le scénario d’ANTOINETTE DANS LES CÉVENNES ?

Je l’ai lu d’une seule traite, avec frénésie ! Et je me suis dit : « Ce n’est pas possible ! C’est pour moi ! Cette personne me connaît ! » Je n’en croyais pas mes yeux : c’est comme si ce projet m’était destiné. L’histoire faisait écho à des choses tellement intimes, il avait de vraies résonances en moi. Tout me donnait envie d’y aller, à commencer par la marche, que j’adore, les ânes, cette histoire si singulière, drôle, émouvante. J’avais la larme à la fin de ma lecture ! Et j’étais très impressionnée par la qualité d’écriture de Caroline Vignal.  

C’est votre premier rôle sur grand écran…

Absolument ! Et, justement, je suis si heureuse que ce soit avec ce film-là ! J’ai fait une danse de la joie dans mon appartement quand j’ai su que ce serait moi, Antoinette !

Votre rôle dans la série à succès DIX POUR CENT a-t-il été un moteur ?

Ah oui c’est évident ! J’étais très identifiée avec ce personnage de Noémie. En parallèle, je m’épanouissais dans de beaux seconds rôles, notamment du côté du cinéma d’auteur, à l’instar d’AVA par exemple, dont la réalisatrice - Léa Mysius - n’avait jamais vu la série. Ces deux parcours se sont nourris et m’ont donné plus de poids apparemment pour qu’on me propose des rôles plus importants.

Revenons sur ANTOINETTE DANS LES CEVENNES… A quel point l’héroïne du récit a-t-elle résonné en vous ?

Quelques années avant la lecture de ce scénario, j’ai été amenée à faire une randonnée - de Collioure à Cadaquès - et j’ai eu une espèce de déflagration, un choc. Une enfance retrouvée, une liberté nouvelle, une renaissance. J’en suis revenue bouleversée car, pour ne rien gâcher au bonheur, j’avais aussi fait une rencontre amoureuse. Avant ça, je ne prenais plus vraiment le temps de profiter de la nature. J’enchaînais les projets au théâtre et au cinéma. Et pourtant, c’est si galvanisant d’être au beau milieu des reliefs  ! On a une sensation de rupture du temps, comme si on en retrouvait l’épaisseur, on se déleste du superflu, on se décharge de tous ses oripeaux, surtout quand ça devient rude, avec la possibilité de se perdre. On prend le minimum nécessaire, de l’eau, une couverture, un peu de nourriture, etc… Et c’est un retour à quelque chose de primitif. Gamine, j’adorais L’ENFANT SAUVAGE de François Truffaut ou GORILLE DANS LA BRUME de Michael Apted. J’avais cette envie de prendre la tangente, ce fantasme d’être une femme de la jungle, de la forêt.  

Parlez-nous de la façon dont vous avez perçu et vécu le cheminement initiatique de l’héroïne...

J’aime déjà que son histoire de cœur - suivre l’homme qu’elle aime dans les Cévennes - soit in fine un prétexte pour emprunter un chemin vers elle-même. Je trouve ça très beau. Elle va se dépouiller tout en tissant un lien fort avec cet animal. La marche, c’est comme l’écriture. On est rarement interrompu dans ses pensées en cheminant. Par conséquent, on accède à des choses de soi qu’on ne prendrait pas le temps d’atteindre quand on est pris dans le brouhaha de la vie citadine. Marcher, comme Antoinette le fait, s’apparente presque à une psychanalyse. On pense à soi, à ceux qu’on aime, à ce qui compte. Tant d’idées me sont venues en marchant. C’est comme une pulsation, un battement de cœur. Et ça rend humble. Desproges disait : « L’homme n’est que poussière, d’où l’importance du plumeau. » (rires)

Qu’est-ce qui vous a d’emblée séduit chez Caroline Vignal ?  

Pour moi, c’est une rencontre. De notre premier rendez-vous dans un café jusqu’à la fin du tournage, il y a eu une évidence qui a été très importante pour moi et donc pour Antoinette ! J’aime sa franchise, son exigence. Tout est permis du moment qu’on respecte son texte. Elle est gourmande de jeu et aime  qu’on  pousse les situations… Nos deux imaginaires se sont parfaitement rencontrés pour construire Antoinette telle  qu’elle  est. J’avais d’ailleurs l’impression qu’elle connaissait des choses de moi. Nous n’avions pas besoin de parler pour nous comprendre. Étant de tous les plans, j’étais assez angoissée de ne pas être à la hauteur… C’était  réconfortant de me sentir soutenue par son regard de cinéaste

Avez-vous pu profiter de la nature pendant le tournage ?

Bien sûr que oui ! J’étais d’autant plus heureuse que je suis amoureuse des Cévennes, que je me faisais une joie de retrouver en été après y avoir joué en plein hiver dans SEULES LES BÊTES de Dominik Moll. C’est fou comme cette région m’appelle. J’y avais aussi tourné une scène deux ans avant avec Alain Guiraudie. Encore une fois, j’ai flashé sur ces paysages qui sont ancrés en moi ; c’est un endroit qui m’est totalement familier. C’était un tournage assez sportif. Comme j’aime arpenter, on peut dire que j’étais servie ! Pendant trois semaines, nous n’étions que sur des chemins de montagne, à raison de dix à quinze bornes par jour, dixit le podomètre de l’assistante caméra !

Comment êtes-vous allée à la rencontre de votre personnage ?

C’est une rencontre en deux temps : il y a le temps avant le tournage, ce qu’on en lit, ce qu’on fantasme, des prémonitions de notre imaginaire, et puis le temps du tournage, où on recherche le temps présent, la vie, l’ici-et-maintenant des situations… Généralement, on s’approprie un personnage en y mettant des choses de soi. C’est un équilibre étrange entre cet autre qu’on imagine et soi, ce soi qui est notre instrument de jeu/je. Par certains aspects, Antoinette me ressemble beaucoup ; comme le fait de partir sur un coup de tête, de suivre ce mec. J’ai pu faire ce genre de choses dans ma vie (rires). Je partage avec elle cette envie de romancer sa vie, d’être l’héroïne de l’histoire qu’on s’écrit, ce refus de subir les choses.

Caroline Vignal affirme que vous aimez, comme elle, le côté pathétique d’Antoinette. Pourquoi ?

Antoinette est l’inverse d’héroïque ; elle est minable à des moments, comme lors du premier repas, qui est une scène géniale et gênante, sur un fil. On pourrait être dérangé par elle, s’en détacher, la juger, la trouver ridicule et pathétique mais on la suit quand même. J’aime quand la drôlerie est tragique, comme si le rire était la politesse du désespoir. Antoinette n’a pas froid aux yeux, elle n’a pas peur d’être ridicule et j’adore les personnages comme ça. Ils me touchent. Cela crée des situations drôles et émouvantes.

L’âne est votre principal partenaire à l’écran. Comment avez-vous appréhendé cette collaboration ?

Je dois déjà préciser qu’AU HASARD BALTAZAR  de Robert Bresson est un de mes films préférés, même si ça n’a rien à voir. Je connaissais un peu les ânes car mon ami en a régulièrement autour de chez lui. C’est ce film qui m’a permis de me familiariser avec eux. On a fait appel à une dresseuse dont l’âne, que nous avons rencontrés ensemble avec Caroline et son assistant, était trop stimulé : il avait une énergie de fou. On aurait cru qu’il avait pris de la cocaïne (rires). Je ne le sentais pas. Caroline, non plus. Quand j’ai rencontré son remplaçant, le feeling est directement passé. Nous avons tous été soulagés de voir Patrick se matérialiser dans son entièreté. Il est arrivé vers nous avec une lenteur extraordinaire, du genre à mettre dix minutes pour faire dix mètres, j’avais l’impression que c’était Jean Valjean revenu du bagne. Quand la dresseuse l’a récupéré comme doublure, il était reclus dans un champ, il ne voulait plus être approché par les humains. Il en avait bavé apparemment ! Mais il était attentif, empathique. Il réagissait à tout. Et il s’est épanoui pendant le tournage. On a passé beaucoup de temps ensemble et on a vraiment créé une relation. Je me souviens : lors du dernier plan, nous étions en forêt et il a senti que c’était la fin. Il m’a léché la cuisse et la main, ce qu’il n’avait jamais fait avant. Je me suis mise à chialer comme pas possible. Cet âne, c’est une merveille. 

Évoquons enfin vos partenaires à l’écran : Benjamin Lavernhe et Olivia Côte...

Cela a été une superbe collaboration. On s’est très bien entendus, et vite ! Avec Benjamin Lavernhe, on avait très envie de bosser ensemble. Je n’avais pas pu participer à sa série, UN ENTRETIEN, qu’il m’avait proposée. J’étais donc ravie de tourner enfin avec lui ! C’est un mec que j’adore, qui a beaucoup d’humour, un super acteur. Il a créé un Vladimir touchant, drôle et complexe... Avec Olivia, on s’est connues il y a 15 ans dans une pièce de théâtre : ça a été un gros flash amical et de jeu. On rêvait de se retrouver. Je trouve magnifique ce qu’elle fait dans le long plan séquence qu’on a ensemble, j’ai adoré jouer ça avec elle. Entre Benjamin, Olivia et moi, ça a circulé de manière très tendre et fraternelle. On aurait cru qu’on formait ce trio depuis des lustres.

LE CHEMIN DE STEVENSON

Robert Louis Stevenson est aujourd’hui connu du grand public grâce à de nombreux ouvrages dont les plus célèbres sont L’île aux trésors (1883) et Docteur Jekyll et Mister Hyde (1886).

Mais en 1878, Robert Louis Stevenson n’a presque rien publié. Il a 28 ans, il rêve d’être écrivain, est de santé fragile, et a une vie personnelle assez compliquée : issu d’un milieu aisé, il est financièrement dépendant de son père,  Thomas, un calviniste fervent qui voit d’un mauvais œil la vie de  bohème  que mène son fils : en pleine époque victorienne, Robert fréquente une femme mariée et mère de deux enfants,  Fanny Osbourne, qu’il a rencontrée en France alors qu’elle venait se former à la peinture auprès des impressionnistes de Barbizon.

C’est le grand amour… Mais en août 1878 Fanny repart en Californie, et Robert sombre dans la déprime.

C’est dans l’espoir d’oublier Fanny - et de satisfaire sa curiosité pour les Camisards - que le 22 septembre 1878, le jeune écossais part marcher dans les Cévennes.

Au Monastier-sur-Gazeille (Haute-Loire), il achète une petite ânesse, Modestine, qui l’accompagnera dans son voyage. 12 jours, 220 km et beaucoup d’aventures plus tard, il arrive à Saint-Jean-du-Gard. Il rédige alors une chronique de ce voyage, qui sera publiée en 1879, sous le titre de Voyage avec un âne dans les Cévennes. L’argent qu’il retire de cette publication lui permettra de rejoindre Fanny aux Etats-Unis, et, celle-ci ayant obtenu le divorce, de finalement l’épouser.  

Le récit de voyage de Stevenson est peu à peu devenu culte pour les randonneurs du monde entier. Il a inspiré bien des envies de voyage, et permis de retracer l’itinéraire parcouru par Robert et Modestine au 19ème siècle. 

Connu sous le nom de Chemin de Stevenson, le GR®70 attire désormais plus de 10000 randonneurs par an venus marcher sur les traces de cet aventurier écossais amoureux de la France…


Source et copyright des textes des notes de production @ Diaphana Distribution

  
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